Je reproduis ici le communiqué que de nombreux écrivains font circuler en ce moment en réaction à une loi qui les dépouille en partie de leurs droits au bénéfice de sociétés privées:
AUTEURS EN COLÈRE !
Accepteriez-vous que le fruit de votre travail soit exploité sans votre consentement au profit de grosses entreprises, ici celles du monde du livre ? C'est pourtant ce que la loi promulguée le 1er mars 2012 met en place sous les apparences d’une très bonne idée : permettre l’édition numérique des œuvres indisponibles du XXe siècle.
Cette loi, issue d'un accord-cadre entre le ministère de la Culture et de la Communication, le Commissariat général à l’investissement, le Syndicat National de l’Édition, la Société des Gens de Lettres et la Bibliothèque nationale de France, établit en effet qu'une société privée contrôlera l'exploitation numérique de leurs œuvres sans que les auteurs ou leurs ayants droit en soient informés personnellement. Seront concernés par cette loi tous leurs textes publiés par des éditeurs avant le 1er janvier 2001 qui ne seraient plus disponibles (sauf en bibliothèque ou sur le marché de l’occasion), et ce quelle que soit leur nature. L’argument culturel est fallacieux puisque la loi se désintéresse de la littérature non commerciale.
Ainsi :
− nos œuvres reconnues indisponibles dans une base de données de la BnF seront automatiquement confiées après 6 mois à une société de gestion ;
− alors même que ses œuvres sont indisponibles, l'auteur ne sera pas présumé le titulaire exclusif de ses droits de reproduction, tant imprimée que numérique. Il devra en faire la preuve, en contradiction avec le code et les traités ;
− au contraire, l'éditeur bénéficiera de ces droits sans avoir à prouver qu'il en est cessionnaire ;
− l'édition sera imposée sans que l’auteur puisse en discuter les modalités ;
− l'éditeur qui avait pourtant cessé de commercialiser l'ouvrage pourra prélever 50% de la rémunération de l'auteur ;
− 500 à 700 000 livres doivent être remis en 5 ans sur le marché, autant que le nombre de titres actuellement disponibles et dix fois celui des nouveautés annuelles.
De ce fait :
− si nous, auteurs, traducteurs, dessinateurs, illustrateurs, scénaristes, estimons que nos œuvres entrant dans le champ de cette loi ne devraient pas être publiques (œuvres de jeunesse entachées d'erreurs, textes sortis de l’actualité, voire entrant en concurrence avec nos œuvres récentes), il nous faudra surveiller sans cesse la base de données de la BnF pour nous y opposer. Un défaut de vigilance entraînera tout auteur dans des démarches administratives aussi lourdes qu’incertaines : le Code de la propriété intellectuelle est allègrement bafoué ;
− si nous souhaitons corriger, compléter ou rectifier un texte, cela ne nous sera pas possible ;
− si nous voulons permettre à certains acteurs de la sphère littéraire, des bibliothèques, par exemple, de disposer gratuitement de nos livres, cela ne nous sera pas possible ;
− l'apport massif d’ouvrages anciens numérisés risque de noyer la production des éditeurs indépendants, ainsi que celle des auteurs aujourd’hui actifs, et d’amplifier leurs difficultés économiques ;
− comme s’en inquiètent les médias hors de France, les droits sur les œuvres d'origine étrangère (même francophones), en principe protégés par la Convention de Berne, sont remis en cause.
Nous demandons donc l’abrogation pure et simple de cette loi.
Si vous aussi vous trouvez tout cela foncièrement immoral, signez la pétition en ligne (http://www.petitionpublique.fr/?pi=P2012N21047), rejoignez le collectif « Le droit du serf » sur Facebook, interpellez vos députés et sénateurs ou discutez-en avec les auteurs que vous croiserez.